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noblesse. Enfermé dans la forteresse de Talent, près Dijon, puis à Bracon-sur-Salius, puis à Rochefort près Dôle et enfin an château de Brandon à Dijon, le captif obtint pourtant, malgré les rigueurs d’une rude prison, — sous la garantie d’ailleurs de 30 gentilshommes et la remise en otage de ses deux fils, — un an de liberté (1er  mai 1432-1433) pour pourvoir à la détresse de son duché. La question d’hérédité fut en même temps déférée au tribunal de l’empereur, qui le 24 avril 1434 se prononçait en sa faveur. René déjà l’avait prévenue en unissant, par un accord du 13 février 1433 et le 1er juillet par un contrat de mariage, sa fille Yolande avec le fils de Vaudemont. De son côté, le duc de Bourgogne laissait entrevoir l’intention de se rapprocher de Charles VII et, sur l’invitation même du roi, René se rendit à Chambéry, où il espérait s’aider de l’influence du duc de Savoie. Le Congrès d’Arras, gui suivit ces ouvertures, n’eut d’autre résultat pour lui que de rouvrir sa captivité. Après deux ans de répit, il dut reprendre prison le ler mars 1435 et le duc Philippe, en traitant avec Charles VII le 21 septembre suivant, réserva expressément tout son droit sur le vaincu. Il tenait surtout, semble-t-il, à la rançon et par surcroit réclamait la cession du duché de Bar. René tint bon et, au bout de 15 mois de captivité, se retrouva libre (8 novembre 1436) en abandonnant Cassel et quelques domaines de Flandres et moyennant 400,000 écus d’or, somme énorme, dont la dette devait entraver toute sa vie, comme cette délivrance tardive avait compromis déjà toute une fortune inespérée.

La mort de son frère aîné Louis III (12 novembre 1434) et le testament de Jeanne de Sicile, morte aussi le 2 février 1435, en lui laissant l’héritage de Duras et de la première dynastie angevine, lui avaient apporté presque tout d’un coup un comté, la Provence, un second duché, l’Anjou, un royaume, la Sicile. Déjà Isabelle avait dû partir, munie de ses pouvoirs, pour prendre possession du royaume. René s’occupa d’abord de réaliser quelques ressources, puis, après avoir constitué un conseil de régence et fondé dans l’église de Vaucouleurs une chapelle en mémoire de Barbazan, il quitta Nancy avec l’élite de sa chevalerie et vint au passage prendre possession de l’Anjou. Sa première entrée à Angers date de la fin de mars 1437 et le 2 avril il y célébrait le mariage de son fils Jean, futur duc de Calabre, avec Marie de Bourbon, nièce du duc de Bourgogne. Il se trouve encore une fois vers ce temps mêlé aux intrigues des ducs de Bourbon et d’Alençon, qu’il accompagne auprès du duc de Bretagne. Pourtant il prit congé du roi à Gien en juillet et régla avant son départ le partage de l’héritage paternel avec sou frère Charles, qui devait posséder le comté du Maine, moins Sablé. — En Provence, la même joie populaire lui fit fête. — C’est seulement le 12 avril 1438 qu’il put mettre à la voile pour son nouveau royaume. Mais ici encore, malgré ses droits irrécusables, il allait trouver en face de lui un compétiteur, Alphonse d’Aragon, autorisé d’un

premier testament de Jeanne. — René, débarqué à Gênes le 15, y fut retenu deux semaines et n’arriva que le 19 mai à Naples. Dès le 18 octobre, pendant qu’il se perdait dans les Abruzzes, son rival assiégeait sa capitale et en occupait les approches. Mais la reprise de Castel-Nuovo et du château de l’Œuf (11-12 juin 1439) rendit un instant à René ses principales chances. Enfin, après force traverses, subies avec cette gaité et cette bonhomie chevaleresque qui n’était rien à sa dignité, trahi par son principal lieutenant, Caldera, duc de Bari (1440), exploité par les Génois, ses alliés, desservi par le pape, il se vit à son tour, — ayant tout d’abord renvoyé en France la reine Isabelle et ses enfants, — assiégé dans Naples (novembre 1441), puis, la ville épuisée par de longs mois de famine et prise, réduit le 2 juin 1442 à se réfugier dans le Castel-Nuovo, qu’il quittait le lendemain sur des galères génoises pour chercher asile à Florence auprès du pape et dès la fin d’octobre regagner la Provence, sans autre conquête de toute cette campagne vaine, que le seul titre de roi de Sicile.

Quinze jours à peine après son débarquement, il recevait à Marseille la nouvelle de la mort de sa vaillante mère Yolande (14 novembre 1442). Il lui fallut se préparer dès lors à regagner l’Anjou. Chemin faisant il rejoignit la cour et le roi à Toulouse (mars 1443), s’arrêta pour les fêtes et divers voyages en Touraine et ne rentra qu’au mois de juin en son château d’Angers. Avec lui revenaient le mouvement, l’éclat et comme une renaissance dans tout le pays. A quelques mois de là, sa fille Marguerite, dotée à peine de droits incertains sur le royaume de Majorque et de Minorque, y était fiancée par le chef d’une ambassade anglaise au roi d’Angleterre Henri VI. A ces fêtes succèdent celles du mariage, depuis si longtemps accordé, d’Yolande avec Ferry de Vaudemont. Dans l’intervalle, une misérable querelle avait retenu René pendant sept mois (août 1444-février 1445) en guerre contre ses créanciers, les bourgeois de Metz, qu’il ne put réduire qu’aidé des forces du roi de France. On attribue vers cette époque à son influence directe les ordonnances royales d’avril et de juin 1445 qui devaient transformer la constitution de l’armée nationale. Avant de rentrer en Anjou, il obtint aussi, grâce à l’intervention royale, la remise par le duc de Bourgogne de l’arriéré encore impayé de sa rançon, plus de 80,000 écus (6 juillet 1445).

L’année suivante René célébrait dans la plaine de Launay près Saumur, le fameux Pas du Perron, resté célèbre par toutes les prouesses fastueuses de la chevalerie. De février 1447 à juillet 1449 il résida, avec son gendre Ferry, en Provence, à Aix, à Tarascon, à Pertuis, à Marseille, où il reçut la visite du dauphin Louis. Le 11 août 1448, il y fondait l’Ordre du Croissant, placé sous le patronage de St Maurice, avec obligation de tenir les assises annuelles des chevaliers dans la cathédrale d’Angers. — En juin 1449 eut lieu à Tarascon la célébration d’une nouvelle fête chevaleresque, le Pas de la Bergère,