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de France après celle de Paris, fondée par un Angevin, Jean Lemaçon ; — c’est un Angevin, l’auteur de La République, qui soutient contre tout péril aux États de Blois la cause de la libre conscience ; — et c’est à Saumur que s’installe et pendant près d’un siècle se développe en pleine lutte la grande Académie, où prennent parole Moyse Amyrault, Marc Duncan, Josué de la Place, Tanneguy-Lefèvre, Cameron, les deux Cappel, toute une pléiade d’illustres. Et comment oublier le rôle de la grande bourgeoisie angevine, toujours debout au premier rang des fêtes de la liberté ? — Tout à côté, dans la paix rayonnante des grandes abbayes cisterciennes ou bénédictines, — et la première fille de St Maur n’est-elle pas née sur notre Loire ? — dans la solennité aussi plus ou moins factice des controverses universitaires, se sont formées, avec les Ulger, les Marbode, les Le Maire, honneur de l’École et de l’Épiscopat, des dynasties de légistes, comme celles des Ayrauld, des Livonnière, alliées aux grands noms des Choppin, des Lerat, des Louet, des Dupineau, groupe avant tout d’humeur pratique et réfléchie. De ces deux lignées se réclament, mi-partie gens d’action ou de politique, les Scépeaux, les Maillé-Brézé, les Charnacé, les Contades, — même en descendant peut-être d’un échelon, les Cérisantes et les Bautru. Mais c’est avec ces derniers surtout qu’éclate dans les ruelles et à la cour de France la renommée des beaux esprits d’Anjou et de cette fine langue angevine, que parlaient René Benoist en sa chaire des Halles, et Ménage en ses Mercuriales, et Bernier et Legouz jusqu’au fond des Indes, — qu’animent d’une pointe de gaîté les badineries de Bourdigné, de Leloyer, de Lemasle, — qu’attendrit aussi à son heure la muse amoureuse du roi René et de du Bellay. À cette élite, ni si terne après tout ni si vulgaire, la Science associe de nos jours les noms de Chevreul et de Béclard, et l’Art, qui aurait le droit d’évoquer le souvenir de plus d’un glorieux maître inconnu, se contente d’ajouter un rayon suprême en rappelant l’œuvre de David d’Angers.

Un temps viendra peut-être, — bénie soit l’heure ! — où parmi tous ces ancêtres et tant d’autres encore plus humbles et tout oubliés, chaque village, chaque maison tiendra à honneur de reconnaître les siens, où l’histoire du pays natal deviendra avant tout, comme il ferait si bon de le dire, familière à nos enfants, et où l’on comprendra de plein cœur, ainsi que je l’ai cru bien sentir à chaque page de ce livre, que s’étudier à faire aimer le coin de terre où l’on naît, où l’on grandit, où la tradition s’est formée de toute vie qui a un passé et un avenir, c’est travailler à rallier pour le mieux toutes les âmes dans un sentiment commun d’amour pour la France.