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pacifiée ; les républicains occupent les villes ; les paysans, les chefs de famille, les combattants découragés ou enrôlés, comme c’est le grand nombre, par violence, ont regagné leurs champs et rendent leurs armes au général Commaire, resté dans le pays (14 décembre). L’ardeur d’en finir inspire au général Turreau un plan atroce Colonnes infernales et trois fois plus inepte encore. Le décret du 1er août, rendu en plein péril extrême de guerre, n’avait jamais, au témoignage de Barrère, condamné « les habitations isolées, les fermes utiles, les villages fidèles ou non dangereux[1] » ; et à cette heure le désarmement seul, avec quelque garnison de cavalerie, assurait la paix. Une extermination aveugle et sans pitié y est organisée de sang-froid et servie par l’incendie sans merci. Avant même toute réponse du Comité de Salut public, l’ordre de marche est donné le 30 nivôse an II (19 janvier 1794), à douze colonnes, qualifiées presque aussitôt d’infernales. Celles de droite, commandées par Bard, Duval, Grignon, Crouzat, se dirigent de Brissac à Parthenay par Bressuire, Concourson, Vihiers. Turreau avec Carpentier et Huché descend de la Loire sur Beaupréau, Chemillé, Cholet, Maulévrier, ralliant de l’ouest d’autres bandes. Le pays devient un désert, où les premiers, sous le fer et sous le feu, périssent les patriotes. Tout ce qui peut fuir se réfugie dans les bois, bientôt ouverts aux fouilles et saccagés ; tout ce qui peut combattre reprend avec horreur la pique ou le fusil. Un arrêté même des représentants, donné à Nantes le 20 février, ordonne, pour accroître la solitude, l’exil à 20 lieues de toute la population réfugiée et la ruine des communes riveraines ; mais l’exaspération surtout des patriotes était à bout et 1 200 maires ou propriétaires, réunis seulement à Brissac, protestent et obtiennent le respect de leur dévouement jusqu’alors fidèle[2]. Déjà le cri public était parvenu jusqu’à la Convention, et Turreau d’ailleurs n’hésite pas à reconnaître[3] qu’il avait soulevé contre lui dès le premier jour « une coalition eflroyable des Départements, des Districts, municipalités, sociétés dites populaires, tribunaux, commissions et comités », soutenue par plus de 2 000 dénonciations écrites de ces horreurs. L’armée, démoralisée par le pillage et plus encore par la misère, sans vêtements, sans pain, au milieu de greniers et d’entrepôts incendiés, cédait pied au premier cri. Chemillé, Beaupréau, Jallais, Vezins, Coron, un instant même Cholet, étaient retombés presque sans combat aux mains de Stofflet, resté seul chef, sous l’inspiration de Bernier, d’une insurrection sans ressources et sans autre soutien que la misère désespérée dont elle est née.

Un décret révoque Turreau (18 mai), et Vimeux qui le remplace bloque le pays dans une enceinte de quatorze camps retranchés, dont trois sur la ligne du Layon, Dernières luttes. à Concourson, à Thouarcé, à Beaulieu, en abandonnant Saint-Florent, Chalonnes, la rive gauche de la Loire qu’occupent tout aussitôt les paysans. Tout au même temps s’y relie sur l’autre rive, à Varades, un parti de 800 Chouans, avant-garde des bandes de déserteurs, de gabelous, de réfractaires, de pillards sans aveu, qui infestaient le Bas-Anjou et partie du Maine et de la Bretagne et qui, grossies des émigrants d’outre-Loire par la dispersion de la grande armée, prennent dès lors une direction sous les ordres de Scépeaux, de Bourmont, de Turpin, de Dieusie. Mais déjà, même entre ennemis et d’un camp à l’autre, les groupes se saluent et causent. La lassitude est si grande ! et la Terreur d’ailleurs est vaincue. Le repré-

  1. Moniteur du 25 pluviôse an II.
  2. Mémoires Mss. d’Yves Besnard.
  3. Mémoires, p. 157.