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L’AMOUR GREC

a rien autre chose qu’une froide émulation intellectuelle. Si Lysis vient s’asseoir auprès de Ménéxène pour suivre la leçon de Socrate, ce n’est pas une simple affinité d’esprit qui les rapproche à ce moment. Le philosophe s’aperçoit du manège et, avisant le jeune couple : « Lequel de vous deux est le plus âgé ? — Nous ne sommes pas d’accord là-dessus. — Et si je demandais lequel est le plus brave, vous contesteriez aussi ? — Certainement. — Et lequel est le plus beau ? encore de même ?… Tous deux se mirent à rire… » Le dialogue délicieux se poursuit, et Taine note en marge : « Voyez de quel ton Socrate parle de cette amitié, comme il félicite ces enfants ». On prend là le professeur sur le fait, en flagrant délit de mystification. C’est toujours la même feintise : des gestes retenir la courbe extérieure, qu’on ne veut tout de même pas se priver d’admirer, mais taire le sens caché du tableau, parce qu’il serait trop embarrassant de l’expliquer[1].

  1. Autre exemple de puritanisme : un savant helléniste, M. L. Dugas, avait publié autrefois un ouvrage intitulé l’Amitié antique, lequel valait par sa franchise non moins que par son érudition. Récemment, j’ai voulu le relire. Je n’ai plus trouvé chez l’éditeur qu’une édition nouvelle, squelette de l’édition primitive.