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LES HOMMES-FEMMES

de sa ruse. Il est jeune. L’émoi que lui a causé la découverte de son anomalie n’est peut-être pas encore calmé. Quoi qu’il en soit, il ne lui échappe pas que, s’il veut que le romancier s’intéresse à son cas, il faut que lui-même le considère, ou fasse semblant de le considérer comme une malédiction. Alors, il se fait humble, se déclare épouvanté de n’être pas pareil aux autres. Cependant, en dépit de ces précautions, l’orgueil perce dans ses paroles. Car être maudit, c’est encore être choisi, être mis à part du commun. Bref, cette confession boursouflée respire le mensonge. Mais, à ce titre, également, elle mérite d’être étudiée. De page en page, le narrateur perd le contrôle de soi : une histoire comme la sienne, pense-t-il, ne peut manquer de paraître à Zola un témoignage prodigieux. Bientôt, il abandonne toute retenue, il cesse de se lamenter, il se vante. Dès lors, nulle trace de souffrance, ni même de gêne. Plus rien qu’une vanité folle[1]. Le maudit relève le front. Il goûte à étaler ses turpitudes une satisfaction délirante

  1. « Si mon âme est monstrueuse, je me console en pensant que je suis le produit vicieux et gracieux d’une civilisation raffinée et délicate. La beauté, à mes yeux, tient lieu de tout, et tous les vices, tous les crimes me paraissent excusés par elle… ».