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LES HOMMES-FEMMES

dence, demeure, malgré tout, celle de l’inverti, alors même qu’il est cynique ; je veux dire que le cynisme, chez lui, prend toujours une allure de défi, ce qui est le témoignage d’une libération toute récente dont l’affranchi doute encore puisqu’il éprouve le besoin de l’affirmer, ce qui peut même sembler une dernière révérence faite au blâme ancien, comme le blasphème, en tant qu’il suppose la croyance en Dieu, est un hommage au Seigneur. Il y a seulement dix ans, jamais, à des amis qui ne partageaient pas ses inclinations, alors même qu’ils eussent été ses intimes, un inverti n’aurait osé confier ses bonnes fortunes ou ses peines de cœur. Aujourd’hui, pareil abandon n’est plus rare. Et notez bien que je n’entends pas parler ici de confessions entourées de mystère, de confessions solennelles, mais de récits familiers, d’anecdotes, comme s’en content entre eux, dans les termes les plus crus, les jeunes gens qui aiment les femmes. Cependant, même dans ces confidences amicales faites par des invertis à des normaux, la situation garde encore je ne sais quoi d’inaccoutumé, de tendu, de pénible. Le conteur a de la peine à rester simple, à ne pas exagérer la désinvolture, à ne pas faire parade de ce qu’il eût tenu autrefois sous cent clés. Et, de son côté, le confident,