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LA TRADITION D’ANATHÈME

et là dans son récit. En réalité, Balzac, la seule fois qu’il a abordé le sujet, en a éludé tout le scabreux[1]. Notez encore ce subterfuge, où je vois une concession aux idées du temps et à la vue policière : le héros, je l’ai dit, est un forçat en rupture de ban. Le romancier s’abrite derrière cette habileté qui consiste à présenter l’anomalie qu’il signale, mais dont il n’esquisse même pas l’étude, comme un produit du bagne. D’où les honnêtes gens sont libres de conclure que d’aussi monstrueuses mœurs n’existent que dans les prisons[2].

  1. Je ne parle pas de Sarrasine qui est en dehors de la question. Dans cette nouvelle, dont l’action se passe au xviiie siècle, un Français s’éprend d’un castrat qui remplit l’office de chanteuse dans un théâtre de Rome. Quand Sarrasine s’aperçoit de son erreur, il est épouvanté.
  2. À propos de Balzac, constatons qu’il est plus à son aise dans La Fille aux yeux d’or. Notre littérature, en effet, est loin d’avoir témoigné à l’égard de Gomorrhe la même aversion qu’à l’égard de Sodome. Il faut croire que l’homosexualité féminine suggérait des images dont la lascivité paraissait plus aimable. Valmont et la marquise de Merteuil, dans Laclos, parlent de ces jeux comme de bagatelles. Diderot, prenant pour modèle l’abbesse de Chelles, fille du Régent, nous peint sans gêne cette singulière supérieure recevant dans sa ruelle ses moniales les plus jolies. Au xixe siècle, Mademoiselle de Maupin marque même le triomphe du type Amazone et l’influence de ce roman se fait sentir encore aujourd’hui jusqu’en certaines héroïnes de M. Pierre Benoît. Zola, sur ce terrain, reprend pied, il le fait voir dans Nana. On pourrait multiplier les exemples : maintes poésies de Baudelaire, de Verlaine, de Renée Vivien, les Chansons de Bilitis, l’amie de