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DANS LE CLIMAT DE LA POÉSIE

mais l’expression est trop vague. Un respect aussi étrange demande quelque éclaircissement, car il est évident qu’il n’avait rien de commun avec le sentiment que nous éprouvions à l’égard d’autres personnes dont l’élévation morale nous imposait : c’était un mélange de déférence et d’effroi. Nul blâme, je le maintiens, mais plutôt une terreur sacrée, comme si le pied du poète, dans la boue du ruisseau, eût laissé des traces fourchues. Ce demi-dieu avait reçu le privilège d’entendre dans la brise des voix qui ne parviennent point aux oreilles communes, mais il semblait que la faculté d’un certain discernement lui avait été refusée. C’est à cause de cette lacune, pensions-nous, qu’il s’était jadis égaré en des sentiers pervers. Seulement, jusque dans ses aberrations, il gardait le don divin de chanter son émoi sur la lyre ; et l’ode en laquelle il célébrait ses impuretés était souvent aussi belle que les psaumes qu’il composait au lendemain de ses fautes. Nous autoriser de cette vie déréglée pour croire que le Bien et le Mal pouvaient être cultivés « parallèlement », cela n’effleurait point notre esprit ; et c’est parce que nous sentions que la mesure de Verlaine n’était pas la nôtre que nous nous inclinions devant cet inspiré.