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DANS LE CLIMAT DE LA POÉSIE

auront-ils peine à me comprendre. Et pourtant c’est ainsi : nous arrivions de notre province, tout bardé de préceptes rigides, mais nous avions lu Verlaine, et l’auteur de ces petites chansons qui nous jetaient dans un si grand trouble, c’était cet ivrogne qui remontait le boulevard Saint-Michel en brandissant son bâton. Il nous paraissait admirable. Il l’était.

Une fois, il m’en souvient, chez un marchand de vins de la rue Monsieur-le-Prince, quelqu’un prononça devant le poète le nom d’Arthur Rimbaud. La journée était déjà avancée, c’est-à-dire que Verlaine n’en était pas à sa première absinthe. D’un moulinet furieux, il abattit sa canne sur le zinc, et ce qui sortit de sa bouche, à cette minute, est impossible à rapporter. Parmi des hoquets qui s’achevaient en sanglots, au milieu d’un torrent d’injures, cyniquement éclatait l’aveu d’une passion que ni la prison subie, ni les années écoulées, ni la mort même de l’être aimé, n’avaient pu éteindre. Nous assistions à ce délire avec la confusion des fils de Noé devant l’ivresse obscène de leur père. Et nous aussi, nous aurions voulu, sur cette nudité horrible, étendre pieusement un manteau.

J’ai dit que nous respections Paul Verlaine,