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DANS LE CLIMAT DE LA POÉSIE

tienne, je les trouve assez conséquents. Mais il me paraît aussi que la distinction du profane et du sacré, en poésie, est une vue tendancieuse. En réalité, c’est la poésie toute entière qui est de l’ordre du sacré. La poésie est indépendante des religions, parce que, quoique sans dogme défini, elle est elle-même une religion ; je veux dire qu’elle est un mode d’expression rituel qui communique à la chose exprimée un caractère religieux, tout à fait en dehors des confessions et des morales particulières. C’est donc méconnaître la poésie étrangement que de la subordonner à des fins édifiantes.

Une sottise encore c’est, quand on ne peut nier qu’une œuvre soit belle, de vouloir à tout prix qu’elle soit également bonne. La race des cafards n’est pas éteinte qui feignent de n’apercevoir qu’une effusion de l’amitié dans les sonnets admirables de Shakespeare au duc de Southampton.

D’autres, ne pouvant dénier au sentiment qui éclate dans ces vers son caractère de véritable passion, soutiendront que cette passion est demeurée « innocente », qu’elle s’est uniquement épanchée en hommages exaltés. À la rigueur, c’est possible. Mais en quoi cette réserve, qui d’ailleurs peut être forcée, changerait-elle