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DANS LE CLIMAT DE LA POÉSIE

ont célébré la beauté masculine en la fleur de sa quinzième année. Eux aussi, comme Virgile, et avec une langueur plus perfide encore, ils ont enveloppé de rêverie le désir défendu jusqu’à en dissimuler l’aiguillon. Sous l’arcade aux colonnes légères, autour du bel échanson versant dans les coupes le vin de Chiraz, ils ont mis le murmure des jets d’eau et le chant des oiseaux. À ce serviteur silencieux d’une fête persane, comparez les « gens de maison » de Proust, ses valets de pied les plus stylés, et vous aurez d’un côté le vice dans sa vulgarité choquante, de l’autre un trouble charmant d’où l’immoralité, semble-t-il, s’est évaporée. Et cependant, le romancier parisien de 1920 et les poètes orientaux du moyen-âge parlent de la même chose[1].

Cette remarque me donne à penser que les théologiens ne manquent ni de psychologie ni de logique dans leur méfiance à l’égard de la poésie profane. Dans leur système, qui n’est autre que celui de la foi et de la morale chré-

  1. Dans les temps modernes et sur un autre sujet, un exemple typique de cette transmutation opérée par la poésie, c’est Une Martyre, de Baudelaire. D’un crime crapuleux, le prestige du vers fait un mystère sanglant, ce qui reste, sur l’autel, d’une cérémonie atroce, quand le sacrificateur s’est retiré.