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SODOME ET GOMORRHE

en amour, elle n’eût point admis qu’on la reléguât si souvent au rôle de comparse ou même au rang de spectatrice. Je ne sache pas que de jeunes garçons aient jamais franchi l’enceinte du Parc aux Cerfs, si ce n’est en qualité de gâte-sauce ou de galopin de cuisine. Oh ! sans doute, il y avait, tout comme à présent, des ducs qui étaient « bougres » et des « bougres » qui étaient princes[1]. Mais les bourgeois, d’ordinaire, avaient de la « bougrerie » une horreur qui, de père en fils, s’était transmise à leur descendance jusqu’à ces derniers temps, celle-là même que nous retrouvons en 1895, étouffant dans les cœurs toute pitié à l’égard d’Oscar Wilde. Cependant, depuis quelques années, il s’était produit, dans ce domaine longtemps réservé, une sorte de relâchement du secret. On ne s’y affichait pas encore tout à fait, mais on s’y surveillait moins. Et cela, les gens du monde n’avaient pu l’ignorer. L’ayant constaté, ils souhaitaient inconsciemment que quelqu’un eût l’audace de

  1. On sait que les Albigeois, en même temps qu’ils furent accusés d’avoir introduit dans le Midi de la France, l’hérésie des Bogomiles bulgares, des « Bougres », comme on disait, étaient également soupçonnés d’avoir adopté les mœurs de cette secte. D’où le nom de « bougrerie » sous lequel la sodomie est désignée au moyen-âge. L’appellation se retrouve encore au xviiie siècle, quoique teintée alors d’archaïsme.