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GIDE TÉMÉRAIRE

de l’art pour l’art le couvrirait encore. Mais il a dédaigné cet abri. Il s’est posé en moraliste, et cela dans le même temps qu’il se confessait à nous. La situation est paradoxale. Gide, qui a le sens de l’humour, devrait en être frappé tout le premier. D’où vient donc qu’il ne le voit point ? De ce que sa confession n’est pas pénitente. Ses actes les plus troubles il ne nous les donne pas comme des fautes, ni même comme des faiblesses, ce sont pour lui des victoires, autant de grades qu’il a pris avant de nous endoctriner[1].

Mais, en fin de compte, cette perversion sexuelle qui consiste à se réjouir dans tout son corps au spectacle de la morale outragée, n’est-elle pas encore la preuve d’un attachement indéracinable, irraisonné, mystique à cette morale même ? Ce sentiment du sacrilège où l’on puise un affreux plaisir, on ne peut l’avoir sans la foi. L’officiant d’une messe noire est un mauvais prêtre, mais un prêtre encore.

La vieille Bible que Gide avait laissée à Paris en 1893, lorsqu’il partit la première fois pour l’Algérie, qu’est-elle devenue ? Dernièrement, quand Gide prit passage pour le Congo,

  1. Gide est l’antipode de Platon. Lui-même aime caracoler sur le cheval noir.