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GIDE TÉMÉRAIRE

Alors l’Anglais éclata d’un rire qui longtemps résonna dans les ruelles obscures. Le sens d’une telle hilarité Gide lui-même nous le donne : « Le grand plaisir du débauché c’est d’entraîner à la débauche. » Ce rire « interminable, immaîtrisable, insolent », Gide, après plus de trente années, le garde encore dans l’oreille. Mais le pire, c’est que cette joie méphistophélique l’a gagné. Seulement Gide, lui, rit sous cape.

Le souvenir de ce rire silencieux ne laisse pas de nous obséder, lorsque Gide, redevenu grave, et il le redevient dès qu’il cesse d’être sensuellement troublé, remonte en chaire et reprend son panégyrique doctrinal de l’homosexuel.

Est-ce qu’il paraîtrait tolérable qu’un pervers hétérosexuel, après nous avoir entretenu, avec force détails, de ses dépravations, prît soudain une voix d’église pour nous catéchiser ? Ces alternances ou ce cumul de libertinage et de dogmatisme, voilà pourtant ce que Gide semble, depuis quelques années, avoir fait le pari de nous imposer en sa personne. Avec quelle flexuosité de langage il passe d’un ton à l’autre dans le même livre, souvent dans la même page !

Si Gide était resté « l’immoraliste » d’antan, romancier ou esthéticien uniquement, la théorie