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GIDE TÉMÉRAIRE

entraîne, chez lui, d’équivoque. D’un trouble charnel analogue la sensibilité de Withman, on s’en souvient, tira des effets différents. Mais Gide, parti du même point, prend la direction opposée. Quand son plaisir est en cause, quand les sens le dominent, sa personnalité toute entière se précipite aux ténèbres. Peu importe que l’aventure ait pour théâtre les pays du soleil : les ténèbres dont nous parlons sont indépendantes du climat.

Gide, lorsqu’il est de sang-froid, a le goût du scrupule, la plus exacte compréhension de l’honneur, l’intelligence la plus éveillée du Bien. Mais qu’un gamin dont le visage l’a séduit, et qui ne se croit pas épié par lui, commette en sa présence un larcin, et voilà tout son être en émoi : le fond vaseux remonte à la surface des eaux.

Sans doute l’homme peut plaider que la petite vilenie dont le spectacle l’enchante n’est pas son propre fait. Cependant, il se trompe, s’il s’imagine qu’il en est moralement détaché. Dans l’instant qu’il ne l’observe que pour s’en réjouir, il en est tacitement complice. Et d’ailleurs, il le sait, il l’a dit. C’est cela même qui l’excite et le bouleverse. Participer à la bassesse en esprit, regarder un autre que soi barboter dans la fange, en se tenant soi-même assez loin,