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GIDE TÉMÉRAIRE

emmêlés comme la bourre avec la soie, ne peut-on y porter le peigne ?

Je ne vois qu’une explication : tout ce qui n’a pas rapport, chez Gide, à la vie sexuelle tend vers la lumière, tout ce qui touche au désir incline, chez lui, vers l’ombre.

Une telle répartition des forces laisse un vaste champ libre à ce que l’Évangile appelle la bonne volonté. Dans ces régions éclairées, dans ces sphères supérieures, la pensée de Gide « se meut avec agilité », avec des balancements, des grâces, que des êtres, par ailleurs plus irréprochables, d’une sensualité moins tourmentée, n’atteindront peut-être jamais. Dans Si le grain ne meurt abondent les analyses des sentiments les plus purs, les tableaux de famille dont le charme tient à la qualité fine de l’honnêteté. Ce sont des couleurs de « province à Paris », une évocation de France sérieuse, de chastes et touchantes figures. On respire une odeur de linge frais, d’iris. On tourne la page, et de nouveau une âcre senteur de corne brûlée : le mauvais Gide a reparu.

Qu’on m’entende bien : je ne me soucie plus, en ce moment, de la forme anormale que revêt, chez Gide, l’instinct sexuel en lui-même, mais de tout ce que l’expansion de cet instinct