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GIDE TÉMÉRAIRE

sourcil ! Mais pourquoi cet acharnement contre soi-même, sinon parce qu’aux yeux désillés du Gide actuel, son image ancienne est celle de la Loi détestée ?

Image qu’il oubliait dans le désert, mais que lui renvoyait encore trop souvent le miroir de l’oued dans l’oasis ; image qu’à chacun de ses retours dans son logis normand, il retrouvait au fond des hautes glaces ternies, et qu’il désespérait de vaincre autrement que par sa propre destruction. Car l’homme en vint là, mainte saison. Invisible dans la vibration solaire, le démon, en Afrique, induisait le voyageur en des ébats dont il a plu à Gide de ne nous laisser rien ignorer ; mais, à Paris, à la Roque, une autre tentation commençait, qui couvait son maléfice dans les brumes, comme la première avait déployé son mirage sous le ciel bleu : la tentation du suicide, l’attrait de la nuit. L’âme bourrelée faillit y céder.

Voilà les angoisses, voilà les sueurs d’agonie qu’André Gide s’est donné pour mission d’épargner à ceux qui lui ressemblent. Tel est du moins l’un de ses buts de guerre, lorsqu’il publie Si le grain ne meurt, le but de l’être moral qui est en lui, de l’être moral insurgé contre la morale, j’entends la morale héritée, apprise, contre la