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GIDE TÉMÉRAIRE

autrefois, du moins ceux de la classe bourgeoise, et à Paris, au quartier latin, allaient « aux tavernes et aux filles ». Mais ce rigorisme, il s’en aperçut bientôt, avait une cause plus profonde qu’un pur attachement à la vertu : à savoir une totale froideur de tempérament et même une singulière aversion à l’égard des femmes. Gide ainsi nous grave, d’après lui-même, un portrait inédit de jeune Pharisien cultivé. On dirait d’un vieux bois : le trait est âpre, sculpté rageusement dans le buis, nulle la place laissée par la taille aux demi-teintes ; quelques lumières crues dans beaucoup d’ombres noires. On pense à Dürer. C’est peut-être qu’en cette image, comme en celles du maître médiéval, se tient, derrière le personnage visible, un autre sire qu’on ne voit pas, en retrait justement dans ces fonds ténébreux : le diable. Le mot aujourd’hui fait sourire. Cependant ce n’est pas en manière de plaisanterie que Gide lui-même le prononce.

Cette figure d’austérité infatuée qui fut la sienne, c’est peu de dire que l’auteur nous la restitue sans complaisance. Avec quelle méchanceté il en signale à notre moquerie le profil anguleux, les méplats arides ! Et voyez, dit-il, la moue de la lèvre ! Voyez le froncement du