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GIDE TÉMÉRAIRE

son principe. Donc, ayant démêlé, au cours de sa vie, la vérité de son être, Gide veut la proclamer. Plus il y a, dans cette vérité particulière, des éléments de clandestinité, de pudeur, de respect-humain, de fausse honte, qui la tirent en arrière et s’opposent ainsi à la tendance générale qu’a toute vérité de s’orienter vers le jour, plus Gide estime qu’il est de son devoir d’aider ce difficile accouchement, fût-ce au prix d’une opération sanglante.

D’autre part, comme tous les esprits subtils, Gide a la superstition des faits. C’est qu’il n’ignore point, renseigné qu’il est par le mécanisme de son propre cerveau, en combien de directions divergentes la pensée peut se jeter sur le terrain des doctrines. Raisonner, ratiociner, sophistiquer, quelle pente savonneuse pour le philosophe, le moraliste, l’esthéticien, tous les hommes à systèmes. Mais, avec les faits, quel soulagement, quel repos ! Bons ou mauvais, beaux ou laids, ils sont. Libre à nous d’en discuter après coup l’origine, la signification, la portée ; mais la réalité, point[1]. De là, le goût d’André Gide pour les « faits-divers » et le sérieux qu’il apporte à les collectionner. Le

  1. Je parle ici de réalité externe, « phénoménale ».