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GIDE AUDACIEUX

mène commun à toutes les espèces animales ; l’autre qui aspire secrètement à nous convaincre que l’instinct homosexuel est le signe d’une évolution parvenue à son stade le plus haut. D’un côté, une impulsion répandue dans toutes les formes de la vie, devenant ainsi une des faces innombrables de l’immense Nature ; de l’autre, un état auquel la Nature n’atteindrait qu’en s’épurant, en se surpassant elle-même, la cîme la plus élevée de l’arbre, la fleur des voluptés choisies.

Mais il y a plus grave. C’est, à mesure que Corydon expose ses vues, un changement progressif, par gradations insensibles, de son attitude. Au début, le ton est bas, voilé de tristesse, d’une solennité quasi sépulcrale. L’auteur semble n’avoir pris la plume que pour protester contre les exclusives dont est victime, dans nos mœurs, l’homosexuel congénital, celui qui, organiquement, ne peut connaître le désir ni concevoir l’amour en dehors de son propre sexe. Mais, à la fin du volume, il n’est plus question de cela, et c’est alors, si l’on a gardé son libre jugement, qu’on s’aperçoit avec stupeur où le diable nous a conduit par des voies détournées. Corydon, (lequel n’a plus à craindre la ciguë, ce qui, quoiqu’il dise, est pour lui un avantage dont il n’eût