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GIDE AUDACIEUX

ras à le reconnaître ? Même, cela nous embarrasserait-il que nous n’aurions qu’à nous incliner devant ce qui est. Mais, où Corydon s’égare, c’est quand il raisonne comme si la cause de l’animal et celle de l’homme étaient liées. Ce qui le préoccupe, c’est d’amener l’opinion, enfin désabusée, à former le jugement suivant : l’homosexualité n’est pas antiphysique, attendu qu’on l’observe fréquemment chez les animaux. Et, si Corydon tient tellement à obtenir satisfaction sur ce premier chef, c’est qu’il espère, de cette proposition préliminaire, tirer la conclusion que voici : l’homosexualité est légitime chez l’homme.

Seulement le syllogisme n’est pas recevable, car une de ses prémisses cachées est fausse, ou incomplète, c’est-à-dire fausse par omission d’un terme. Cette prémisse sous-entendue et fallacieuse est celle qui présente comme un axiome que « l’homme aussi est un animal » — sans plus. Animal, oui, mais animal moral, et c’est ce dernier mot qui change tout. L’adjectif supprimé, Corydon a la faculté de faire glisser son raisonnement d’un plan sur l’autre ; rien ne l’empêche de développer sa victoire des animaux à l’homme. Mais, l’adjectif rétabli, le système de Corydon achoppe sur cette pierre et s’effondre.