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GIDE AUDACIEUX

accompagne l’acte de reproduction ; il ne fait pas de celui-ci une sorte de sacrifice austère au dieu de l’espèce, mais il considère comme la règle, et non comme un manquement à celle-ci, que la volupté puisse être séparée des fins pratiques et devenir un but distinct[1].

D’où suit immédiatement ce corollaire : la quête du plaisir et les fins de l’espèce étant différenciées, l’homosexualité, en vertu de cette disjonction, cesse d’être antinaturelle.

Ici Corydon s’enflamme. À l’appui du raisonnement, il appelle l’observation. Les faits, dit-il, sont patents. L’homosexualité est chose si peu monstrueuse qu’en dehors même des races humaines, elle est très répandue dans la nature. Et de citer des références : l’honnête Buffon, déjà, n’avait-il pas relevé, chez le coq et le pigeon, des cas de sodomie caractérisée, c’est-à-dire de préférence homosexuelle, en des circonstances où ne manquaient ni les poules ni les pigeonnes ? De même, les chiens, les béliers, les boucs sont, affirme Corydon, coutumiers du fait. Puis, à la liste, il ajoute les

  1. Cette théorie n’est pas sans concorder avec la distinction que Freud, on s’en souvient, prétend établir chez les humains, entre le sexuel et le génital, entre l’appétit de la volupté et l’acte par lequel la vie se transmet.