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GIDE AUDACIEUX

Orgueil, orgueil immense, peut être, en fin de compte, si tant est que Gide soit intimement convaincu que le débat s’est terminé à son avantage. Mais plus encore qu’à l’état d’esprit de l’auteur lors de ses conclusions, je songe à celui qui devait être le sien au cours de ses lectures. Eh ! qu’importe à Gide l’opinion d’autrui ! C’est à lui-même qu’il veut prouver que sa particularité n’est pas ce qu’on nomme une tare, qu’il n’est ni un névrosé ni un dégénéré. Que du sentiment de son anomalie, un Wilde ait tiré vanité, comme de l’œillet vert, cette fleur truquée, dont il ornait sa boutonnière, c’est là une satisfaction qu’un Gide, plus réfléchi, plus humain, plus profond, ne se sent pas le cœur de partager. Duperie que le dandysme, s’il n’est que l’affectation qui cache une disgrâce, s’il n’est que du rouge sur une peau malsaine ! Quelle charlatanerie que d’en être venu à dire que c’est être supérieur que d’être monstrueux, ou quelle folie de l’avoir cru ! Non, la vérité ne peut résider dans l’exception morbide, dans le désordre. Elle est dans la règle, dans la règle réformée peut-être, mais dans la règle toujours. Wilde se flattait que l’instinct homosexuel fût en dehors et au-dessus de la loi naturelle. Gide, lui, se refuse à admettre qu’il puisse