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GIDE AUDACIEUX

ce que nous apercevrons, c’est un drame des plus pathétiques.

Il est apparu à Gide que les livres de Proust, tout en familiarisant le public avec des questions qui l’avaient jusqu’ici horrifié, ont contribué du même coup à égarer l’opinion (ce sont ses propres termes). En effet, les Charlus (les hommes-femmes) ne sont point les seuls homosexuels. Parmi ceux-ci, un grand nombre, qui repoussent, certains même avec dégoût, l’inversion caractérisée, la sodomie, s’indignent rien que de penser qu’on puisse les confondre avec le petit troupeau fardé aux façons ridicules. Qu’on les taxe d’effeminement tous en bloc, voilà ce qui les révolte comme une erreur et comme une injustice. Pour rétablir la vérité et redresser un si grand tort, Gide a pris les armes. Il a mobilisé sa bibliothèque. Et la tragédie est là.

Gide a tout lu sur son cas, avec quel grand sérieux, quelle curiosité anxieuse ! Il a instruit lui-même son procès, multiplié les enquêtes, classé les témoignages. Chez les naturalistes, les biologistes, les médecins, chez les grands écrivains aussi, partout, en tout pays, dans le passé, dans le présent, il a fouillé les textes pour en extraire des arguments favorables à sa cause.