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LA PRÉDICATION D’ANDRÉ GIDE

dans le domaine de l’art, Gide a retirés de la contrainte. Il est permis de se demander si les mêmes nécessités de dissimulation ne servaient pas également chez lui un vœu plus secret, en l’obligeant à capter par des voies obliques, c’est-à-dire sans employer aucun des moyens de séduction qui eussent pu mettre le lecteur en défiance[1].

Que devient en tout cela, dira-t-on, ce grand souci de vérité que nous représentions à l’instant comme l’un des caractères d’André Gide ? Eh ! ce souci ne le quitte pas, mais il n’est pas le seul ; un autre le traverse constamment, et le danger, c’est lorsqu’on croit prêter l’oreille au premier, qu’on puisse être dupe du deuxième.

Homo duplex, Gide est double. Ce qu’il ne faut pas entendre au sens vague de l’expression, ce qui ne veut pas dire simplement que Gide est plus ou moins compliqué, mais signifie qu’il est positivement deux en un.

Le manichéisme, en tant que vue générale du monde, est peut-être une hérésie. En la personne de Gide, il est une réalité. La vieille anti-

  1. Ce que je dis d’Amyntas s’applique également aux Nourritures terrestres. Mais, déjà, dans les Nourritures, au milieu des extases et des pâmoisons, perce un curieux souci de démontrer, d’éduquer, de catéchiser. Chaque soupir y semble poussé comme une preuve.