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SODOME ET GOMORRHE

Église nouvelle réunissait dans ses rangs des rois et des laquais, beaucoup de laquais, des ducs et des cochers de fiacre, des artistes et des maîtres d’hôtel, des « liftiers » semblables à des enfants de chœur, et le marchand de marrons du coin, le petit tailleur-concierge de l’entresol, le sergent de ville du carrefour, le pompier qui passe… La rue montrait brusquement un envers inattendu, et après la rue, la cité, et après la cité, le globe. De partout, à l’appel du thaumaturge, claquemuré, là-bas, dans son logis, suffoquant et écrivant, toussant et raturant, couvrant cahiers sur cahiers de sa fine écriture, de partout sortaient d’étranges pélerins qui échangeaient des clins d’yeux, des sourires, se rassemblaient, s’avançaient, enseignes déployées.

Peut-être, si j’avais été beaucoup plus jeune, la stupeur que me causa cet évènement eût-elle été moins profonde. Je ne parle pas du point de vue moral, mais du point de vue strictement objectif, ou, si l’on veut, historique. En effet, étant né en 1877, j’avais dix-huit ans en 1895, à l’époque du procès d’Oscar Wilde. Or, je gardais un souvenir très précis de ce qu’était, à la fin du siècle dernier, non seulement dans la masse du public, mais dans les milieux artistiques et littéraires, l’attitude de l’opinion à