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LA PRÉDICATION D’ANDRÉ GIDE

désert, brusquement il disparaissait à nos yeux dans les plis des dunes. À chaque instant nous restions quinauds, et ce désappointement nous révélait à nous mêmes qu’on nous avait malignement rendus curieux de connaître quelque chose qu’à la dernière seconde, au moment de nous le faire voir, l’on nous cachait encore.

Des paysages vus dans l’heure qui précède le désir ou dans l’heure qui le suit, sans que la particularité du désir fût cependant dite, sans que son heure à lui fût non plus montrée, voilà ce qu’était Amyntas. Mais, soit fièvre de l’attente, soit paix frémissante de l’instinct assouvi, la disposition d’esprit singulière du voyageur communiquait aux lignes un frisson, aux couleurs une note extasiée, grâce à quoi les spectacles qu’on nous conviait comme innocemment à admirer n’étaient point tout à fait ceux-là qu’un touriste ordinaire, dans le simple état de tourisme, nous eût décrits.

Ainsi l’auteur, déjà, s’adonnait à l’un de ses divertissements favoris, qui est de jeter le trouble dans les âmes, les âmes jeunes principalement. Les restrictions que la pudeur sociale lui imposait se transformaient entre ses mains en autant d’atouts qu’il mettait dans son jeu. Nous avons relevé plus haut les avantages que,