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LA PRÉDICATION D’ANDRÉ GIDE

de l’enfant chevauchait, c’était la poésie déjà, qui plus tard devait captiver le jeune homme et l’exhorter à la poursuivre dans la prose même. Mais, bientôt, une autre influence non moins sévère que douce, et d’autant plus sévère peut-être qu’elle était plus douce, veillait à ce que la journée ne s’achevât pas sans profit moral, sans les minutes de recueillement dont quelque pensée inscrite sur une page blanche reste le témoignage. Gide n’a pas cessé de se plier à la tendre injonction pressante, quand ce ne serait que pour nous dire que, cette fois, c’était bien fini, qu’il n’obéirait plus désormais qu’à lui-même.

Ce que Gide nous offrait, dans Amyntas[1], ce qu’il croyait qu’il pouvait seulement nous offrir, c’était le décor dans lequel, par six fois en moins de dix années, il lui plut de revenir rôder. Si le voyageur nous entraînait en quelque café maure, il nous laissait tout soudain à la porte de l’arrière-salle ; ou bien, si nous étions dans le

  1. Les divers morceaux qui composent ce petit volume sont datés de 1896, 1899, 1900, 1903, 1904. Amyntas, on s’en souvient, est dans l’églogue virgilienne, le nom d’un petit berger à la peau très brune. Gide plus tard ne craindra pas de nous dire à quel idéal sensuel correspond chez lui cette invocation, qui, aux environs de 1905, pouvait encore paraître aux naïfs comme une froide gentillesse scolaire, une révérence au latin.