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LA PRÉDICATION D’ANDRÉ GIDE

sifs qu’il fit en Afrique du Nord aux alentours de 1900. C’est un des plis contractés par lui dans la jeunesse que cette habitude qu’il a d’inscrire chaque soir sur un cahier l’événement notable de la journée, c’est-à-dire telle image qui l’a ravi, ou tel parfum qui le troubla, ou encore telle réflexion que ses lectures lui inspirèrent. Car, s’il est volontiers nomade, il voyage avec ses livres : Homère en poche (comme Werther), ou La Fontaine, ou Racine, ou Bossuet, ou Pascal. Et, à ce propos, n’est-il pas piquant ou mélancolique de constater que dans l’instant qu’il regimbait contre la règle, il lui demeurait encore fidèle par son attachement à cette coutume qui laïcise apparemment l’examen de conscience en l’appelant journal intime, mais au fond n’en change pas la nature ?

D’un père laborieux, sensible et distrait qui, lorsqu’André avait cinq ou six ans, découpait pour le petit garçon des dragons de papier que la brise par dessus les arbres du Luxembourg emportait, l’écrivain a pu hériter cette ouverture sur le rêve, laquelle chez lui toujours alterne avec les clôtures du travail, comme succèdent aux heures d’étude les récréations écolières. Et ces dragons de papier tourbillonnant dans l’air, c’étaient les premières chimères que l’âme