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LA PRÉDICATION D’ANDRÉ GIDE

atmosphère lascive. Une insistance étrange du héros à se complaire dans la société des enfants, pour d’autres motifs, on le sentait, que l’amour pur de l’innocence. Ailleurs, une figure mystérieuse et solennelle traversait le récit par trois fois, comme le missionnaire, le pape errant d’une religion cachée ; et, sous les traits de ce Ménalque, nous devinions Oscar Wilde. Mais lorsque, poursuivant son histoire, le narrateur nous transportait du désert dans la forêt normande, notre gêne soudain augmentait, comme si en remontant sous nos ciels pluvieux, le mal bizarre dont Michel souffrait eût perdu de sa grâce. L’incantation cessait qui, là-bas, sur le sable, maintenait notre âme en suspens, à la limite des choses permises, dans un étourdissement lumineux. La conque marine dans laquelle soufflent les moissonneurs au pays des Cimmériens n’a point, comme la flûte de roseau qui résonne dans la palmeraie, le pouvoir de muer en poésie les aspirations les plus troubles. Et quand, toujours tourmenté de ses obsessions, l’instable Michel braconnait sur ses propres terres avec de jeunes vauriens, de le voir, en ces louches promenades, agité d’un émoi incompréhensible, cela nous irritait contre lui. Mais, là encore, par un miracle de malice, au moment où notre embarras allait