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LA PRÉDICATION D’ANDRÉ GIDE

Seulement la confession y prenait l’apparence d’un artifice littéraire : un personnage imaginaire, sur une terrasse algérienne, à l’heure du crépuscule, faisait à trois paires d’oreilles symboliques, trois amis évoqués, semblables aux trois amis de Job, l’aveu de son inquiétude, de ses scrupules et de ses abandons. Mais, peut-être, en combinant cette scène, Gide avait-il cédé, beaucoup plus qu’il n’eût pu le supposer alors, à un besoin obscur et profond. Quand il croyait agir librement, en littérateur, il préfigurait déjà l’instant où lui-même, jetant le masque, parlerait, non plus à trois auditeurs de songe, mais à ses contemporains, et cette fois en pleine lumière.

Pour l’instant il s’enveloppait d’un burnous, des ombres du soir et d’énigmes comme un jeune enchanteur arabe. Et, de fait, l’enchantement avait opéré sur nous. Il dure encore. Un malaise assurément s’y mêlait, mais comme une goutte d’essence amère relevant ce que le philtre sans elle aurait eu d’un peu trop doux. Le conteur, encore qu’il ne fût qu’un être irréel, l’incarnation romanesque du désir défendu, ne s’aventurait point en des déclarations directes, explicites. Nulle inconvenance visible, nulle brutalité. Moins des gestes licencieux qu’une