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SODOME ET GOMORRHE

eût dit que, par ses regards jetés autour de lui comme des coups de sonde, Palamède, le vieil uraniste, nous interrogeait sur le point de savoir si nous supporterions le vice dévoilé aussi facilement que nous tolérions le vice caché. Ce n’était pas que Proust, qui joue ici le rôle de démiurge, hésitât lui-même. Dès 1913, en nous montrant, dans Du côté de chez Swann, à quels jeux sacrilèges Mlle Vinteuil mêle la photographie de son père, il nous avait assez fait voir qu’il était homme à ne reculer devant rien. Dans la chambre tapissée de liège, calfeutrée de bourrelets, où, la nuit, assis dans son lit, ce visionnaire malade forgeait fébrilement, entre deux crises d’asthme, à la lueur d’une lampe de chevet, les fantômes en lesquels il transposait les images de sa vie passée, que lui importait l’accueil que nous réserverions aux créatures de ses veilles ? Non qu’il ne se souciât point de l’opinion d’autrui : nul n’y eut davantage égard. Non qu’il fût indifférent à ce qui pouvait diminuer ou accroître sa renommée : il aimait la gloire. Mais trop forte était en lui la poussée du monde qu’il enfantait, trop ardente la remontée de ses souvenirs, pour qu’il fût entièrement maître de ce bouillonnement. C’est pourquoi il semble que, plus encore que