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LA FATALITÉ D’OSCAR WILDE

C’est qu’il lui fallait, pour se sentir en train, l’arrangement d’une rare soirée et l’excitation du succès immédiat que dispense un murmure flatteur[1]. Et voici la conséquence intellectuelle, inévitable, de cette humeur vaniteuse : l’esthétique wildienne a pour postulat que tous les propos de l’artiste doivent être des paradoxes.

Or, Wilde a reconnu lui-même qu’il existait entre ses mœurs et sa tournure d’esprit une correspondance, je dirais presque une symétrie mystérieuse : « Ce que le paradoxe était pour moi dans la sphère de la pensée, écrit-il dans le De profundis, la perversité le devint dans le domaine de la passion ». L’aveu est à retenir. Il vient à l’appui de ce que nous disions, à savoir que la volonté de singularité fut, chez ce « Prince du langage » un peu trop pénétré de son principat, un système cohérent, applicable en toutes choses, une maxime fondamentale, d’où une logique triste, la logique du diable, se chargea de tirer bientôt, dans la conduite de la vie, les déductions les plus effrontées.

  1. Wilde, rapporte André Gide, « ne causait pas, il contait » c’est-à-dire, il aimait parler seul devant un ou plusieurs auditeurs attentifs.