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LA FATALITÉ D’OSCAR WILDE

Si je passe ma vie prochaine à lire Baudelaire dans un café, je mènerai une existence plus naturelle que si je me mets à tailler des haies et à planter du cacao dans des marais. » Certes ! mais Wilde le dit lui-même : le naturel suppose une part d’inconscience. L’artificiel commence chez lui avec l’excès de conscience dans la bizarrerie, avec le procédé. Comme le remarque fort pertinemment son biographe Arthur Ransome, ce qui caractérise la « pose » d’Oscar Wilde, ce n’est pas la simulation, c’est l’ostentation, « car il posait à l’esthète, et il était un esthète ; il posait à l’homme brillant, et il était un homme brillant ; il posait à l’homme cultivé, et il était un homme cultivé ». Donc, sa singularité, c’était, si l’on veut, sa nature ; être exceptionnel, c’était sa règle à lui. Mais, en faisant parade de l’exception qu’il représentait, il a dépassé le point en deçà duquel il fût resté sincère, il a versé dans le factice.

En outre, loin de libérer la littérature du temporel, il l’a, par entêtement et prétention de théoricien, rendue esclave d’un nouveau maniérisme, d’un « snobisme ». Il se flattait d’élever la vie elle-même à la hauteur d’une œuvre d’art mais il ne s’apercevait pas que cette conception décorative avait pour résultat