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LA FATALITÉ D’OSCAR WILDE

rapports avec la création artistique, soit un des surgeons de l’arbre baudelairien, un gauchissement, une application faussée de l’originalité à tout prix, de l’ « indécrottabilité » du Maître, cela ne me semble pas niable. Quoiqu’il en soit, Wilde donnait beau jeu aux hypocrites, et c’est l’artiste, n’en doutez pas, c’est l’artiste arrogant et trop longtemps favorisé du sort, que beaucoup, sous prétexte de pudeur outragée, ont eu plaisir à abattre[1].

Une existence artificielle est pour Wilde la condition première de l’inspiration. L’art lui-même, l’art véritable n’est, selon lui, qu’artifice. Il n’imite point la nature ; c’est la nature plutôt qui le copie. « Le brouillard, disait-il, n’existait pas jusqu’à ce que l’art l’eût inventé. Maintenant on abuse du brouillard au point que les gens naïfs en attrapent des bronchites. » Tout n’est pas folie dans ces boutades, notamment en ce qui touche la vie des artistes. Wilde, du fond de sa prison, écrivait avec bons sens : « En fait, la vie naturelle est la vie inconsciente. Stevenson étendit seulement le domaine de la vie artificielle en s’amusant à labourer…

  1. « Lorsque Wilde fut mis en prison, écrit Arthur Ransome, les porte-paroles du moment se plurent à clamer : « C’est fini, on n’entendra plus parler de lui ».