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LA FATALITÉ D’OSCAR WILDE


Gardons-nous, cependant, de confondre un Oscar Wilde avec la foule des soupeurs ordinaires qui, après le spectacle, se pressent chez Willis. Le goût du faste, l’amour du luxe, quand ils furent affichés par un poète qui devait trébucher et rouler si scandaleusement du haut de son piédestal, offrent une prise tellement facile aux lourds sarcasmes des Philistins que l’on serait plutôt tenté de les excuser comme une forme de raffinement liée au culte des arts, si l’on ne s’était promis de demeurer dans cet examen strictement « objectif ». Tout ce que l’artiste, vu du dehors, a d’irritant, d’exaspérant pour le bourgeois, Wilde, il est vrai, l’a poussé à l’extrême. Baudelaire, chez lequel la part d’humanité générale est si grande, n’est assurément pas responsable de ces extravagances, mais que la conception wildienne de la vie, dans ses

    sol. À son retour d’Amérique, où il était allé, en 1882 (à vingt-huit ans), faire quelques conférences, il abandonna en matière de toilette l’idéal ruskinien, par trop bohème. On lui connut encore à Paris, en 1883, une canne d’ivoire ornée de turquoises, mais, bientôt, il prit rigoureusement à tâche de réaliser dans sa tenue le modèle du parfait gentleman, tel du moins qu’il le concevait : de onze heures du matin à sept heures du soir, haut de forme de soie, redingote bordée, pantalon rayé, bottines vernies, gants de Suède gris. À partir de sept heures du soir, chemise empesée, turquoise sertie de diamants sur le plastron, frac, et, dans les jours triomphants, les jours néroniens, l’œillet vert à la boutonnière.