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LA FATALITÉ D’OSCAR WILDE

singularité, sans doute, qu’il est éminemment souhaitable d’avoir. Sur ce chapitre pourtant, force était à Wilde, au fond de lui-même, de déchanter un peu. Car s’il est vrai, que son père (un médecin assez réputé) avait été créé chevalier, c’était là un petit anoblissement viager : Oscar n’avait point hérité du titre. Eh ! que s’inquiétait-il de sang bleu ! Est-ce que l’irrémédiable vulgarité de lord Alfred, son ami, lequel était bien, lui, de haute lignée, n’aurait pas dû ruiner dans l’esprit du poète le préjugé de la naissance ?

Mais, il est une singularité qui, lorsqu’on n’a pas lieu d’être vain de sa généalogie, peut s’acquérir assez vite, avec un peu d’étude et un bon tailleur : c’est celle du costume. Beaucoup de dandys ne sont tels qu’en rage de ne pas être nobles. Qui n’est pas reçu à la Cour a toujours la ressource de briller dans les grands restaurants. Wilde, au Savoy, au café Royal, devint une figure londonienne, un Prince, du moins, de la mode. Ainsi la singularité de la mise entraîne la singularité des décors que le viveur recherche pour s’y mirer dans les glaces[1].

  1. Wilde avait commencé par porter béret de velours, manchettes de dentelle, culottes de velours puce à boucles et bas de soie noire. Il avait alors le culte du lys et du tourne-