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LA FATALITÉ D’OSCAR WILDE

Peut-être Wilde n’a-t-il pas dit cela en propres termes mais il a soutenu la même idée d’une façon moins abstraite, plus directe, plus personnelle et donc plus violente encore. En janvier 1898[1], de l’Hôtel de Nice, rue des Beaux Arts, où il est descendu sous le nom de Sébastian Melmoth, déshonoré, ruiné, abandonné de tous, sauf de quelques amis, Wilde écrit à Robert Ross cette phrase quasi testamentaire : « Un patriote emprisonné parce qu’il aime sa patrie, aime sa patrie ; un poète emprisonné parce qu’il aime les éphèbes, aime les éphèbes. Si j’avais changé ma vie, c’eût été admettre que l’amour uranien est ignoble. Je maintiens qu’il est noble, plus noble que les autres formes. »

« Plus noble », vous reconnaissez dans ces deux mots l’antique péché d’orgueil, celui dont les théologiens ont fait, non sans profondeur, la caractéristique suprême de Satan.

  1. On sait que sorti de prison le 19 mai 1897, Wilde passa l’été à Berneval (Seine-Inférieure), mais que, dès le début de septembre, il ne put se tenir de revoir l’objet de sa fatale passion, lord Alfred Douglas (familièrement Bosie). Un premier rendez-vous eut lieu à Rouen. À la fin de septembre les deux amis étaient à Naples. Mais l’entente ne dura que quelques mois. Wilde revint bientôt à Paris. Voir la préface placée par Henry D. Davray en tête de sa belle traduction du De profundis, version intégrale, (Kra éd.) Du même auteur on annonce Oscar Wilde, la tragédie finale (Mercure de France).