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L’INSTINCT ÉPURÉ

vu en Louisiane un rouvre géant qui croissait sans nul compagnon, développant joyeusement des feuilles d’un vert sombre. La rudesse du chêne, son inflexibilité, sa puissance, le font penser à lui-même, mais en même temps il s’étonne que ce tronc robuste ait pu déployer ses branches ainsi, « tout seul, sans avoir auprès de lui un ami ».

Au reste, ce serait déformer la pensée withmanienne, même parvenue à son stade le plus haut, que de la confondre avec l’altruisme décharné, desséché, du puritain. Rien d’immatériel dans cette communauté réaliste, tout entière tournée vers l’action, au point que, pour elle, agir est encore la plus fervente manière de prier. Son objet étant la prise de possession, la mise en valeur du monde, l’exploitation intensive de la planète Terre, cette République de camarades que le poète confond dans son imagination avec la Démocratie en marche, ne saurait se contenter des promesses de l’Au delà. Elle veut à son labeur un couronnement immédiat et autre chose que des palmes pour récompenses : des champs, des mines, des forêts, des lignes de navigation, des pêcheries. Un certain sensualisme violent, substantiel, demeure au fond de la doctrine.