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L’INSTINCT ÉPURÉ

philosophe. Désormais, s’il lui advenait de distinguer, dans la foule obscure et chérie, quelque tête de jeune garçon, quelque Peter Doyle dont il faisait choix pour placer sur cet humble front ses complaisances les plus vives, c’était de crainte que son amour du peuple, à force de se répandre dans toutes les directions, ne se perdît dans l’abstrait, ou bien parce que le regard du voyant, dans les intervalles de ses transes, éprouve une douceur à se poser sur un visage candide.

D’aucuns feront observer que cette passion, quelque épurée qu’elle ait été, allait toujours à des hommes jeunes. En effet, mais elle allait à la multitude innombrable des pionniers, à la jeunesse virile tout entière, peut-on dire. Withman est un répondant et un annonciateur. Sa mission est de glorifier son temps et l’effort prodigieux des siens. De là son goût de la santé physique, de l’âge où l’homme est vigoureux, insouciant et hardi.

C’est dans sa quarantième année que le poète prend conscience de son dessein. Il veut, dit-il, « léguer à l’avenir des types d’affection athlétique », « planter le compagnonnage aussi serré que des arbres le long de tous les fleuves d’Amérique ». Il rêve d’une cité invincible : la cité future des amis. Un jour, il se souvient d’avoir