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L’INSTINCT ÉPURÉ

il les rejoint sur la rivière et passe des après-midi et des soirées avec eux, mettant à leur disposition sa bibliothèque, les interrogeant sur les choses du bord dont il veut connaître tous les détails, « depuis le crochet à l’extrémité d’une corde à seau jusqu’à la structure de la machine ». « Racontez-moi tout cela, mes enfants, disait-il, car ce sont là des choses réelles que je ne puis apprendre dans les livres ».

Les délicats pourront sourire de cette tendresse qui s’épanche tumultueusement en compagnie si modeste ; ils pourront s’étonner de ces attentions prodiguées à des gens de petite condition, ignorants, sans manières. Tel est cependant, pour Withman, l’idéal de l’ami : l’être simple, primitif, à l’écorce rugueuse, celui qui n’est pas un « monsieur », l’âme neuve que l’éducation n’a pas déformée.

Déjà, l’affection désintéressée domine dans cette camaraderie exubérante. Ce qui la garde de glisser en de louches aventures, c’est cette grande poussée intérieure, cette volonté de croissance et d’épanouissement qui porte l’instinct initial à se muer en sympathie collective. Withman avait-il lu Platon ? Je ne sais. Il n’avait besoin que d’écouter son cœur pour retrouver à son usage les voies montantes du