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QU’EST-CE QUE L’AMOUR ?

mais il ne se perd point en elles. C’est là la marque occidentale.

Ainsi, ce que l’inspiré, ce que le sage cherchent à renouer entre eux et le monde, entre leur destinée éphémère et celle de tous les êtres qui participent du même écoulement, c’est l’intimité primitive, les liaisons, les correspondances du premier matin.

L’idée de ce que les anciens ont appelé « l’Âge d’or » est autre chose qu’une fiction littéraire : ce mythe est l’expression traditionnelle, allégorique, d’un regret persistant. Regret obscur, sans doute, et bien vague, en raison de l’énorme temps écoulé. Déjà, Macarée, le dernier centaure dont Maurice de Guérin a évoqué l’image, se fatiguait en galops sur les monts, en plongées au sein des rivières, avec l’espoir de rejoindre, au soir, une communion perdue. Mais, lorsque, dans l’intervalle de ses bonds, tout haletant, il s’arrête, de nouveau il sent battre à grands coups ce cœur qu’il avait voulu disperser. Et il soupçonne combien lui-même, l’être fabuleux, moitié homme, moitié cheval, il est loin des sources premières. Que dire, alors, de nous ?

Pourtant, ce Macarée, après tout, ce n’est qu’une figure poétique. Et qui parle par sa voix ? Un moderne, un Français, et du Languedoc,