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QU’EST-CE QUE L’AMOUR ?

C’est ce que les mystiques chrétiens eux-mêmes ont reconnu lorsque, s’élevant au-dessus du champ resserré des dogmes, ils se sont laissé porter par l’extase en des sphères lumineuses, d’où les formes de la vie apparaissent réconciliées. Le mythe d’Orphée charmant les bêtes refleurit en Ombrie, à l’aube du xiiie siècle, par un miracle du cœur. Ici, le rayonnement d’une sympathie supérieure égale la plus haute vibration de la lyre, et ses effets sont pareils : le loup apprivoisé baisse la tête et lèche les pieds du Saint.

Ce Saint, d’ailleurs, est lui-même un poète. Dans sa campagne d’Assise aux côteaux modérés, un souffle parti des montagnes de l’Inde et qui voyage depuis des siècles, inspire sa prière de moine troubadour. Le chaud parfum de la forêt boudhique se retrouve, allégé, ventilé, dans le Cantique des Créatures. L’effluve, en chemin, a perdu de sa puissance peut-être, mais il s’est purifié de ses miasmes aussi. Il est devenu brise légère. Une imperceptible ironie, l’ironie inséparable de l’intelligence, donne un ton allègre à ce chant d’universel amour. En outre, grâce à cette nuance de moquerie tendre, François, finement, établit une hiérarchie entre les choses créées. Il les presse toutes sur son cœur,