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QU’EST-CE QUE L’AMOUR ?

Peut-être l’amour est-il bien autre chose encore.

Sans doute, c’est le désir charnel, c’est la préoccupation du sexe qui, lorsqu’ils dominent dans l’amour, y entretiennent cette fièvre de jouissance ou de tourment que nous confondons avec l’amour même. Cependant, il ne me paraît pas absurde de penser que l’amour dans lequel l’appétit parle en maître n’est que la face la plus délirante d’un plus vaste instinct. Ce n’est pas au vœu général de l’espèce que je songe ici. Représenter la fécondité comme la seule fin naturelle de l’amour, identifier celui-ci avec la procréation, c’est bien, en effet, dans un certain sens, élargir la notion du verbe aimer, puisque, dans cette hypothèse, il n’est pas tenu compte des individus, puisqu’on ne veut voir, au-dessus de la foule obscure des couples enlacés, que la série des générations qui sortiront de leurs embrassements. Mais, d’autre part, c’est rétrécir utilitairement l’idée de l’amour que de le borner au service de Cybèle, de le ployer comme un esclave au travail d’engendrer. Cette conception pragmatique est plus exclusive que la synthèse platonicienne : elle répudie comme stérile la Vénus Urania[1]. Non, il se peut que l’amour, dans

  1. C’est la vue sociale d’Aristote, et, avant Aristote, la vue religieuse et nationale de Moïse — de Moïse dont la grande