Page:Porché - L’Amour qui n’ose pas dire son nom, 1927.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
134
QU’EST-CE QUE L’AMOUR ?

dans le nombre (toute église a ses violents) qui, pour ne pas se livrer, ont besoin de contenir leur colère. Et, lorsqu’ils sont en petit comité, croyez-vous que la Vénus commune échappe à leurs railleries[1] ?

Mais n’est-ce pas encore une représentation trop étroite de l’immense force appelée amour que de dire comme Proust, ou d’admettre tacitement comme Platon, que les amours hétérosexuelles et les amours homosexuelles sont deux formes similaires d’un sentiment unique dont l’objet seul varie, suivant que c’est à l’Éros commun ou à l’Éros Uranien que les hommages sont rendus ? Cette vue semble limiter implicitement l’amour au culte des deux Vénus rivales.

  1. Un jour que quelqu’un de ma connaissance rendait visite à un non-conformiste, pendant le temps que le valet mit à l’annoncer, il entendit, depuis le salon où il se trouvait, plusieurs personnes rire aux éclats dans une pièce voisine. C’étaient, m’a-t-il raconté, des rires singuliers, où perçait une note suraiguë, sarcastique, méchante. Quand le visiteur fut introduit, le silence se fit aussitôt. Il regarda les visages ; tous lui étaient connus ; alors, il comprit : il était dans l’assemblée le seul chevalier de la Rose. Sa venue dérangeait une réunion intime, une cérémonie rituelle peut-être, le récit de quelque histoire drôle, équivalant, pour le cercle, à une parade d’exécution où nos vulgaires amours n’étaient pas ménagées.