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PRÉFACE

que ce n’est pas seulement le particulier que la pudeur repousse, mais le général. Non contente de rejeter dans l’ombre l’anomalie physiologique dont je me proposais d’étudier l’étrange floraison littéraire, c’est, à la vérité, la question sexuelle toute entière que la pudeur éloigne du libre examen, c’est-à-dire de la clarté.

Qu’on me comprenne bien. Le mot pudeur a pour le moins deux significations : il désigne, tantôt une sorte de crainte qui joue un grand rôle dans l’union des sexes ; tantôt une réaction de l’individu social ou de la société à ce qui n’est pas « décent ». La pudeur dont nous réprouvons les excès (et les lâchetés), la seule dont il soit ici question, c’est la pudeur dans le second sens du terme : la pudeur-critique. De celle-ci la consigne est qu’il y a des choses qu’il faut taire, ou plutôt qu’on ne doit pas écrire et surtout imprimer : non-imprimatur.

Ce veto qui croit servir les bonnes mœurs finit par leur être nuisible. Tout abus doit être dénoncé. C’est pourquoi je romps le silence.

Mais qu’on se rassure : je ne me ferai pas un jeu de braver l’honnêteté. En moi-même et chez le lecteur, le lecteur adulte, le seul pour lequel j’écrive, je m’efforcerai de ne froisser aucune susceptibilité, dans la mesure où la sincérité de mon enquête n’aura pas à en souffrir.