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QU’EST-CE QUE L’AMOUR ?

plus exact scientifiquement. Certes, la forme que prend le désir sexuel n’est pas un phénomène purement mécanique, c’est tout un monde d’images, de rêveries associées, de souvenirs, lequel monde est lié, dans la conscience ou dans l’inconscient du sujet, à la représentation de l’acte amoureux. Que, entre les homosexuels et les normaux, il y ait désaccord sur un instinct aussi essentiel, et dont la végétation est si ramifiée, cela doit nuancer différemment, chez les uns et chez les autres, des zones nombreuses de l’âme. Chez l’inverti-né, type assez rare, comme on sait, mais, de tous, celui qui, sexuellement, se trouve au pôle le plus éloigné de nous, l’antithèse avec l’homme normal est parfois si forte qu’elle est extérieurement visible, ce qui suffit à nous la rendre irritante. Mais, d’une façon générale, ce qui peut distinguer de la nôtre la sensibilité d’un homosexuel, pour tout ce qui ne concerne pas le désir lui-même, c’est bien une opposition de tonalité plutôt que de nature : le fond, de part et d’autre, reste humain.

Il y a plus. Proust, qui devait avoir sur ce point des clartés particulières, affirme, dans son dernier livre posthume Le temps retrouvé, que la seule chose qui diffère dans l’amour d’un