Page:Porché - L’Amour qui n’ose pas dire son nom, 1927.djvu/132

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
126
L’INSTINCT MASQUÉ

battu et dépouillé de ses vêtements, il rentre en ville sous le carrick d’un cocher de fiacre. Le malheureux a la folie de porter plainte. L’enquête établit la vérité des faits d’autant plus rapidement que les agresseurs, des militaires appartenant à une arme d’élite, se sont déclarés eux-mêmes le lendemain. Ils n’avaient accepté un honteux rendez-vous que pour administrer à l’impudent une correction exemplaire. Ils bénéficièrent d’un non-lieu.

Inutile d’ajouter que de pairie il ne fut plus question. Mais l’attitude de Châteaubriand, dans cette vilaine affaire, reste courageuse et digne. L’allure sauve tout, quand l’âme est grande. Cet homme était de ceux qui, dans les pires conjonctures, n’abandonnent point leurs amis. Personnellement, il eût été cependant excusable de montrer quelque humeur de l’esclandre. Il était ministre, et, comme tel, guetté par ses ennemis. Il avait recommandé le marquis à Louis XVIII plusieurs fois, instamment. « Voilà donc, pouvait dire le vieux roi, le candidat de M. de Châteaubriand ! » et, là-dessus, de citer, en humant une prise, une épigramme de Martial en rapport avec les circonstances. Mais le protégé compromettant était le fils d’une ancienne amie. Cela créait des