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L’INSTINCT MASQUÉ

la rencontre de l’âme-sœur ait apporté à Astolphe ce repos que le monde lui refuse, qu’il a en vain cherché dans les livres et dans ses courses vagabondes en Allemagne, en Suisse, en Italie, en Écosse. L’amitié serait-elle comme les voyages pour lesquels l’on part toujours avec enthousiasme et d’où l’on revient toujours déçu ? Après trois ans déjà d’intimité, les relations des deux « Ménechmes » languissent. À quoi faut-il attribuer cette fatigue ? À l’apathie contagieuse qui se dégage comme un brouillard de la correspondance d’Astolphe ? N’écrit-il pas lui-même, après avoir noirci dix feuillets : « Cette lettre ne brûle pas, elle noie le papier, c’est un torrent d’eau tiède… » Mais non, ce relâchement insensible doit avoir une autre cause. Sur le compte d’Édouard, le marquis se serait-il trompé ?… Pendant des mois et des mois, il l’a conseillé, il a dirigé ses lectures, il a fait pleuvoir sur lui ses maximes de piété. Mais on dirait que, de tant de sollicitude, Astolphe attendait une récompense qui n’est pas venue. En tout cas, n’espérons pas obtenir des lettres la moindre précision. Certes, il y a, dans les effusions du marquis, une tendresse singulière, des subtilités caressantes, une sorte de cajolerie triste et désenchantée dont les amitiés les plus étroites