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L’INSTINCT MASQUÉ

À dater de cette nuit, une correspondance s’établit entre les deux jeunes gens. La longue conversation confidentielle, chuchotée au son des violons, ne leur a pas donné le loisir de se dire encore tout ce qu’ils ont sur le cœur : ce trop plein, durant quatre années, va s’épancher dans des lettres. Nous possédons celles d’Astolphe. Elles ne manquent pas d’élégance ni même d’un certain raffinement sentimental, d’une habileté à saisir, dans le domaine du cœur, les demi-teintes, les demi-silences, les demi-aveux, et à s’y attacher. Nul vrai talent, d’ailleurs, mais tout ce qu’une éducation parfaite, une culture étendue, une grande connaissance du monde et la pratique de l’introspection peuvent donner de style à un homme. En outre, des principes, de la gravité, de la religion. Rien de léger, de badin. Quelque malice, mais sans esprit, une malice aux pointes émoussées. Tout cela fait un ensemble assez morne. D’autant plus que l’accent, l’absence d’accent plutôt, est d’une plainte étouffée.

Qu’y a-t-il donc, dans la vie d’Astolphe, qui le bride ainsi ? Il a une belle figure, il est intelligent. Qu’est-ce qui l’empêche d’épanouir ses qualités et de profiter en outre de tous les avantages qu’il doit à son rang et à sa fortune ?